Le Sous-Bock

Verre bouteille – Quand la bouteille devient verre

Enfant, Clément aimait passer du temps à regarder son père bricoler dans son grand atelier enrichi années après années. Aujourd’hui ingénieur, c’est à son tour de donner corps à ses idées. Et l’une d’elle, simple en apparence prends corps à travers son concept de fabrication de verres de table à partir de bouteilles. Entrevue avec Clément Dontenville.

Qu’est ce qui t’a donné l’idée et l’envie de réaliser ces verres à partir de bouteilles ?

Avant toute chose, j’ai toujours été sensible à la dissonance qu’il peut exister entre nos modes de consommation actuels et les bonnes pratiques que nous devrions appliquer pour espérer limiter nos impacts environnementaux. Et quand je dis « nos » et « nous » je vise certes les individus mais surtout les entreprises qui rythment et cadencent notre consommation à grand coups de marketing environnemental visant à se donner bonne conscience.

Pour moi, un exemple parmi tant d’autres concerne le traitement de nos bouteilles en verre : on s’achète un pack de nos bières préférées ou une bonne bouteille de vin, on la consomme et dans le meilleur des cas, on la trie. C’est déjà une très bonne chose de trier, mais je pense que l’on peut aller plus loin en s’affranchissant d’avantage du circuit logistique qu’implique la récolte, la destruction et la production en neuf des bouteilles en verre.

Un jour, j’ai vu dans un marché aux puces une petite machine pour couper les bouteilles de verre dont j’avais déjà remarqué l’existence sur une publicité internet. Comme elle ne valait rien je l’ai prise, enthousiasmé par la promesse de pouvoir bricoler des verres à partir de bouteilles. Quelle déception : des dizaines et des dizaines d’essais pour n’obtenir que des bouteilles simplement rayées ou complètement fracassées, bref, inexploitable.

A partir de là j’ai été têtu et ai cherché une solution, un processus pour effectivement obtenir une bouteille proprement cassée sans devoir en sacrifier un grand nombre à chaque fois. Puis j’ai réfléchi à une manière efficace de nettoyer les bords de la bouteille cassée pour en faire un verre exploitable.

Après quelques mois de boulot et d’optimisation, j’avais 3 petites installations me permettant d’obtenir de bons résultats avec un bon rendement. Avec la satisfaction de m’approcher du résultat convoité j’ai persévéré et suis monté en cadence. Le projet avait en quelques sortes éclot.

Quel matériel utilises-tu ?

Concernant la matière première, les bouteilles en verre, on a la chance de vivre dans une région riche en denrées alcoolisées : entre les brasseries alsaciennes, les vins alsaciens, les amers et toutes les boissons d’Outre-Rhin on a l’embarras du choix. Seuls impératifs : que la bouteille ait une forme de révolution et qu’elle comporte quelque chose qui lui permette d’être distinguée hors de son étiquette (qui disparait dans le processus de fabrication du verre). Cette distinction peut être la gravure de la marque sur le verre, la forme du culot, ou encore une étiquette définitivement apposée (c’est plutôt rare). D’après moi, il n’y a aucun intérêt à faire un verre avec une bouteille simplement cylindrique, sans aucune gravure ou signe rappelant son origine !

J’utilise également tous les formats de bouteilles. Lorsqu’elles sont coupées, les petites bouteilles de 25cl font de belles tasses à expresso, les bouteilles de 33cl des verres à eau ou à cocktail, les bouteilles de 50, 65 ou 75cl des verres à bière pour les plus assoiffés. Il m’arrive également d’exploiter de plus gros modèles pour faire des vases ou des bocaux. Certaines bouteilles peuvent se décliner sous plusieurs formats, comme la bouteille de vin (sans gravures mais reconnaissable à son culot bombé) qui selon la couleur et la hauteur de coupe donne des petits ou des grands verres, pour l’art de la table ou toute autre occasion. Avec certains modèles on arrive même à faire de beaux cendriers en coupant la bouteille très bas !

Quelles sont les étapes de réalisation ?

La réalisation d’un verre se fait en 5 principales étapes :

  1. Nettoyage de la bouteille : comme son nom l’indique, on nettoie simplement une première fois l’intérieur et l’extérieur de la bouteille dans le but d’éliminer les restes de liquide et l’étiquette.
  2. Rayure du verre : on réalise une rayure sur tout le périmètre de la bouteille à l’endroit exact ou l’on souhaite que celle-ci casse pour donner le verre. Cette étape est déterminante dans la réussite et la rapidité avec laquelle le produit fini va être obtenu. Une rayure nette, continue et parfaitement bouclée sur elle-même permettra d’obtenir une cassure nette et donc moins de travail de nettoyage des bordures du verre. Cette étape se fait avec un petit outillage bricolé à partir du système cité plus tôt que j’ai acquis dans un marché aux puces.
  3. Casse du verre : Une fois la rayure réalisée, le verre se brisera correctement s’il est soumis à un choc thermique local violent aux abords de la rayure. Pour ce faire, il existe plusieurs techniques que l’on peut facilement trouver sur le net : verser de l’eau bouillante sur le verre puis de l’eau gelée, faire bruler une corde placée au préalable sur la rayure etc. Ayant tout testé, j’ai retenu la méthode qui m’apporte le meilleur résultat et ai construit une machine autour du principe suivant : faire tourner la rayure très lentement au-dessus d’une pointe de flamme et relever régulièrement la température du verre. Une fois une certaine température atteinte, plonger la bouteille dans un bac d’eau froide. Si la qualité de la rayure est bonne et que toutes les conditions de température sont réunies, c’est un processus qui fonctionne avec un rendement proche des 90%. Le choc thermique termine le travail de la rayure et la bouteille se sépare en deux. Pour le faciliter, j’ai imaginé et construit une machine permettant de faire tourner automatiquement 6 bouteilles simultanément autour de pointes de flammes.
  4. L’ébavurage et le nettoyage des bords : cette quatrième étape est la plus fastidieuse. Elle consiste à donner au verre son aspect et sa fonctionnalité finale en arrondissant les bords issus de la casse. Pour ce faire, j’utilise un support sur lequel j’ai fixé un moteur de perceuse et dans lequel je fais tenir un plateau de ponçage. En utilisant du papier gros grain, j’égalise dans un premier temps le niveau du verre, puis j’effectue un biseau interne et externe à l’endroit où nos lèvres se poseront. Je répète cette manipulation trois fois par
    verre avec des grains de plus en plus fins, et en travaillant en milieu humide pour redonner au verre sa transparence d’origine. La fabrication s’arrête lorsque le goulot du verre est parfaitement arrondi et transparent.
  5. Le nettoyage final : enfin, la dernière étape consiste à nettoyer une seconde fois le verre pour l’en débarrasser de ses dernières poussières et éventuelles traces d’étiquettes. Je les bichonne individuellement pour leur donner la propreté et la finesse d’un verre neuf. En respectant l’ensemble de ces étapes, une bonne heure est nécessaire pour réaliser un lot de 6 verres. Attention, si les rayures ne sont pas parfaites dès le départ, ce temps de fabrication peut très vite doubler ou tripler !

Ou peut-on acheter tes réalisations ?

Pour acheter mes réalisations, le plus simple, c’est d’aller jeter un coup d’œil sur ma très récente page Instagram @verre.bouteille et d’y repérer les verres qui vous plaisent le plus, puis de m’écrire à l’adresse shop.verrebouteille@gmail.com pour passer commande. Si vous n’y trouvez pas votre bonheur mais que vous avez en stock de belles bouteilles que vous aimeriez transformer, vous pouvez également m’écrire !

Fais-tu également des choses sur commande ?

J’ai pris l’habitude de conserver un stock de la plupart de mes modèles de verres, mais je considère que je produis principalement sur commande.

C’est quoi ta plus belle réalisation ?

J’aime particulièrement les verres issus des bouteilles Fischer. Ils font de très belles pintes dont on peut panacher les couleurs. La forme du verre et leurs gravures rappellent d’un coup d’œil leur origine.

J’ai également imaginé une gamme de cendriers à cloche issus des bouteilles de Picon. Le résultat est très original et permet de réutiliser également le haut de la bouteille pour éviter la propagation des fumées de cigarettes.

Quels sont tes projets autour de cette activité ?

Mon projet est encore à un stade précoce. Je peux affirmer maitriser le process pour obtenir un rendement satisfaisant, mais il va falloir que je trouve un moyen de monter en cadence si je veux que mes productions soient exposées. En ce moment, je me concentre également de plus en plus sur l’aspect visibilité de mes travaux. Je suis notamment entrain d’alimenter ma page Instagram dédiée à mon projet afin de lui donner un peu plus de portée, et pour permettre de mettre des photos sur mes différents modèles.

Transformer pour rallonger la durée de vie de nos objets de quotidien peut s’appliquer à de nombreux autres produits. J’ai commencé à appliquer ce principe à d’autres matériaux et d’autres objets. J’aimerai à termes proposer pour une gamme d’objet à forte empreinte environnementale, leur version retravaillés à impact réduit. Avant toute chose, c’est cette idée de recul sur la durée de vie et d’impact environnemental engendrés par nos biens de consommation que je souhaite éveiller au travers de ce projet.

Ceux-là j’adore ! Il sont sur ma table tous les jours

Verre Bouteille sur Etsy et Instagram

Merci à Clément pour son temps et à Julien qui m’a permis de découvrir ce concept (et aux verres issus de bouteilles de Paulaner qui m’accompagnent quotidiennement !)